Tout d’abord, regardons les principales idées fausses à combattre :
- Le célibat n’est pas la seule cause des agressions sexuels, le problème étant beaucoup plus complexe. Toutefois, malheureusement, le célibat y joue également un rôle, et il existe des cas typiques où les agressions résultent sans aucun doute directement du célibat.
- L'homosexualité ne constitue pas un problème majeur. Dans les milieux (ultra)conservateurs, on peut souvent entendre l’argument selon lequel les prêtres homosexuels agressent les enfants. Mais ce n'est pas le cas. Il est généralement reconnu que les adultes homosexuels ressentent de l’attirance pour d'autres adultes homosexuels. L'attirance pour les mineurs – qu’il soient des garçons ou des filles – est un phénomène tout à fait différent.
- Les agresseurs ne sont pas des monstres. Au contraire, ils sont souvent très charmants, attrayants et ils ont de l’influence sur les victimes qui leur accordent leur confiance. Les agresseurs ressemblent plutôt à un ami ou à un parent gentil. Ils peuvent mener une vie décente, même exemplaire dans d'autres domaines de la vie sacerdotale ou monastique. C'est pourquoi il est si difficile de les identifier.
L’agression sexuelle est le résultat d’une combinaison de trois facteurs :
- problèmes de santé mentale ou trouble psychologique ;
- idées erronées sur le pouvoir et la sexualité ;
- environnement destructeur ou communauté dégradée.
Problèmes de santé mentale : pédophilie et éphébophilie
Il faut bien distinguer deux notions : les pédophiles ressentent de l’attirance pour les enfants de moins de 12 ans, tandis que les éphébophiles sont attirés par les mineurs de plus de 12 ans.
Idées erronées sur le pouvoir et la sexualité
Les abus sexuels sont avant tout des abus de pouvoir. Le pouvoir spirituel est le plus dangereux de tous les pouvoirs, puisqu’il revendique le droit de décider du destin éternel d'une autre personne. Par conséquent, il faut le considérer avec prudence. Il est très facile d'abuser du pouvoir spirituel ou sacré, étant donné que la victime considère le prêtre comme un représentant de Dieu à qui elle fait confiance et exauce ses vœux avec une dévotion absolue.
Dans le pire des cas, le prêtre a le « complexe messianique » : il croit que Dieu l'a choisi pour une tâche spéciale, c'est pourquoi il peut s’extraire à tous les règles qui s'appliquent au commun des mortels, même aux règles morales. Il ne ressent donc aucun sentiment de culpabilité de ses crimes.
La tentation de la perfection, l'obsession du perfectionnisme est également très dangereuse. L’attente de perfection envers les prêtres et les moines est renforcée par leurs supérieurs, la communauté, les médias et l’opinion publique. Une fois les prêtres se rendent compte de leur incapacité de répondre à ces attentes, ils font tous les efforts possibles pour le cacher, ce qui induit également la dissimulation des erreurs. Et bien évidemment, l’erreur la plus grave est celle de l'agression sexuelle.
De plus, les prêtres et les moines se heurtent à la difficulté d’intégrer leur sexualité dans un mode de vie qui ne permet pas d’avoir de relations sexuelles. Il est généralement admis que l'éros et le désir constituent la source de la passion, de la fantaisie et des rêves. L’éros et le désir sont liés à la sensibilité, à l’intimité et à la vulnérabilité. La compassion se fonde sur ces sensations. La suppression du désir élimine la chaleur et la spontanéité de l'amour. Il ne reste ensuite qu’une bonne volonté impersonnelle. Là où l’éros est négligé, la virginité devient simplement synonyme de contrôle et de manque d’amour.
En dissimulant l’éros, les prêtres et les moines rejettent la partie féminine de leur personnalité. C'est pourquoi ils deviennent incapables de pratiquer l’autoréflexion et l’intimité, or, le sentiment d’affection est la partie inhérente de la nature humaine. En outre, il faut noter que même aujourd'hui, les schémas classiques, tels que l’abnégation, l'auto-humiliation, l'éloignement total du monde, l'aliénation empoisonnent la vie de nombreux prêtres et moines.
Environnement destructeur et communauté dégradée
Les séminaires, le noviciat peuvent être malsains et très destructeurs à bien des égards. Entre autres, la communauté unisexuelle, le manque de parents et d'autres adultes soigneux, la « menace » de l’autre sexe sur sa profession, la manque de préparation à l’abstinence sexuelle, la promotion du développement spirituel au détriment du développement humain doivent être mentionnées. L’environnement impersonnel conduit à l'isolement émotionnel et donc l’intimité peut uniquement être vécue en secret.
Le foyer de l’abus : l'autoritarisme, et non pas la pensée progressiste
Les conservateurs considèrent souvent « l’esprit libertaire », la décadence occidentale ou « la liberté sexuelle » de 1968 comme des facteurs déclencheurs de l’abus. Pourquoi cet argument est-il faux ?
Selon Hans Zollner, directeur du Centre pour la protection de l'enfance du Vatican : « Il est clair que les abus sexuels commis à l’égard de mineurs se produisent partout dans le monde, même s’il n’y a pas de données disponibles concernant certaines régions. Il ressort clairement de la prise de position de la Congrégation pour la doctrine de la Foi – l’autorité responsable de poursuivre des procédures pénales contre des prêtres accusés –, que cette forme d'abus se produit dans chaque église locale. Ainsi, l'argument souvent évoqué selon lequel les abus sexuels sur mineurs ne concernent que les églises occidentales décadentes est faux et trompeur. Cet argument détourne l'attention du fait qu'au sein de l’Église, il existe des facteurs évidents qui favorisent les abus, ou qui empêchent, entravent leur divulgation et leur punition. »
Ce n'est pas le courant de pensée et la théologie progressistes qui favorisent la prolifération d’abus, mais l'autoritarisme strict et rigide.
Comme Foucault l’écrit : au sein de l'église, l'éducation à l'obéissance est le foyer du totalitarisme. Ce n'est pas un hasard si les victimes qui ont reçu cette éducation considérant l’obéissance absolue en tant que vertu ultime sont ensuite incapables de dire non à leurs agresseurs. Ces enfants, ces femmes, ces prêtres, ces candidats moines ont appris que dans ce système dire non, ce n'est pas une vertu, mais un péché.
Et ce n’est pas un hasard si dans un tel système basé sur le pouvoir totalitaire, les prédateurs sexuels peuvent agir à leur guise.
Le rôle et la responsabilité du célibat dans les agressions sexuelles au sein de l'église
Il existe trois scénarios où le célibat est la cause directe des agressions sexuelles. Ce sont les suivants :
- Au sein de l’Église, les abus sexuels ne concernent pas seulement les enfants, mais aussi les adultes, surtout les femmes. De plus, les abus commis à l’égard de femmes ne reçoivent pas autant d’'attention, car la police présume le consentement et ne le considère pas comme un crime. Un cas typique est celui d’un agresseur qui, en tant que confesseur, obtient d'abord la pleine confiance de sa victime qui lui livre ses secrets les plus profonds, même ceux concernant ses problèmes de mariage et sa vie sexuelle. Ensuite, en utilisant les informations acquises, l’agresseur commence à la manipuler émotionnellement et obtient un contrôle total sur ses émotions, ce qui permet de contrôler également les actions de sa victime. Dans ce cas, il n'a besoin de violer la femme, car elle répondra à toutes ses demandes avec obéissance. Pour les agresseurs, l’essentiel est d'utiliser la femme objectivée pour assouvir leurs propres désirs sexuels.
L’acte le plus immoral, c’est l'abus de pouvoir spirituel. Après tout, dans le confessionnal, ces agresseurs, en tant que représentant de Dieu sur terre, disposent d’un pouvoir qu’ils n’auraient pas autrement. Ils ont toute la confiance de leur victime qu'ils déshonorent. Dans un tel cas, le célibat peut conduire directement aux abus sur les femmes.
- Parfois les garçons entrent dans le séminaire ou dans l'ordre monastique à un très jeune âge. Ainsi, leur maturité psychosexuelle pourrait rester au niveau d'un adolescent de 15 ans. Nombreux sont ceux qui commencent à fréquenter une école paroissiale à l'âge de 14 ans et entrent dans l’ordre ou dans le séminaire juste après l'obtention de leur diplôme de baccalauréat.
L'absence de tout contact avec les femmes, donc l’isolement total préserve l'immaturité psycho-sexuelle, de sorte que ce n'est pas surprenant si les hommes de trente ou quarante ans ressentent ensuite de l’attirance pour des mineures avec qui ils sont au même niveau de maturité psychosexuelle.
- Il est connu que dans les milieux monosexuels isolés, par ex. en prison, les hommes à orientation hétérosexuelle peuvent également participer aux actes homosexuels. Bien sûr, cela ne change pas leur orientation sexuelle. Il ne faut pas confondre l’orientation sexuelle et le comportement sexuel. Ces actes homosexuels ne sont pas motivés par le désir. Dans ce cas, il faut chercher la raison dans le fait qu’il n’y pas d’autre option à leur disposition.
Ainsi, certains prêtres et moines ont des relations sexuelles avec des garçons mineurs, puisque c’est la seule possibilité pour avoir de l’intimité. A cet égard, les enfants sont en danger dans les écoles, les foyers de l’enfance ainsi que dans les orphelinats. Pour certains prêtres et moines, la règle du célibat ne concerne que les relations avec des femmes adultes, et ils croient qu’ayant des relations sexuelles avec des enfants, ils ne violent pas leur serment. C’est le comble de l’absurdité.
En somme, on peut dire que dans ces trois cas, le célibat est une cause directe de l’agression sexuelle au sein d l’Église. Effectivement, dans la plupart des cas, le célibat ne constitue pas un problème en soi. Le problème réside au fait que le célibat n’est pas un libre choix, mais une contrainte pour l’individu.
Il y a beaucoup de jeunes qui s’intéressent aux carrières sacerdotales ou monastiques, mais qui ne sont pas conscients de l'importance du célibat, et ce n'est que plus tard qu’ils rencontrent les difficultés inhérentes. Toutefois, si le célibat devient une mauvaise expérience, cela peut avoir de nombreuses conséquences sur leur santé mentale et conduire à la dépression, la misogynie ou encore à l’homophobie. Ce dernier concerne principalement ceux qui ont une orientation homosexuelle, mais sont forcés de la dissimuler. La dissimulation de l’identité homosexuelle peut conduire à l’homophobie intériorisée, c’est-à-dire à détester les homosexuels qui incarnent le « côté obscure », la partie non intégrée de la personnalité des prêtres concernés.
Conclusions
On peut retrouver les causes et les scénarios présentés ci-dessus dans n’importe quel pays, ainsi que les facteurs susceptibles d’induire la violence sexuelle au sein de l'Église catholique romaine. Ils ne se limitent pas à un seul pays, mais concernent chaque région, chaque pays et chaque continent.
Ainsi, l'argument souvent évoqué en Hongrie aussi, selon lequel les abus sexuels sur mineurs ne concernent que les églises occidentales décadentes est faux et trompeur.
(Traduit: Annamária Józsa-Tóth)
